À Guingamp, des kilomètres à danser

«Ah qu’c’est embêtant.
D’aller à Guingamp (bis)
Fini sa jeunesse..»

En cette fin d’août, ce refrain des conscrits hauts-bretons du début du siècle conviendrait mal, car la ville de Guingamp a joyeusement reçu ses visiteurs de la Saint-Loup et du Festival de la danse bretonne.

Ville fondée au XI° siècle par le Comte Etienne, Guingamp n’a pas conservé une bien longue muraille de ce château autour duquel la cité se développa et devint la première des communautés de ville de Bretagne. En 1488, un siège de Guingamp nous a donné un célèbre poème du Barzas-Breiz, œuvre géniale même si elle est apocryphe :

— Portier, ouvrez cette porte.

C’est le sire de Rohan qui est ici, et douze. mille hommes avec lui, prêts à mettre le siège devant Guingamp.

— Cette ville ne sera ouverte ni à vous, ni à personne, sans un ordre de la Duchesse Anne à qui cette ville appartient.

Mais le poète populaire qui écrivit cette complainte a voulu attribuer la levée du siège à Notre-Dame de Bon-Secours, la patronne de. Guingamp : canon extraordinaire tuant neuf cents hommes d’un coup, et toutes les cloches de la ville sonnant au branle de la Vierge et de son fils. Ce qui fit dire au duc de Rohan :

«Sellons les chevaux et en route ! .Et laissons leurs maisons aux Saints.»

En réalité, Notre-Dame-de-Bon-Secours se tient sur le pas de la porte, dans un porche-oratoire séparé de la rue seulement par une grande grille. Au sol, un curieux.pavement, dessiné en labyrinthe, converge vers un Ave Maria saluant cette Vierge qui est noire, comme nombre de Vierges d’Auvergne et du Velay. Son pardon, les premiers samedi et dimanche de juillet, est encore un pardon de grande fréquentation, tout brasillant de cierges. En cette fin d’août, profitez donc du silence pour visiter la très belle basilique où cinq siècles ont conjugué leurs apports. Laissons au guide rédigé par l’abbé Boulbain le soin de vous commenter toutes les réussites d’architecture et en particullier les fins arcs boutants intérieurs.

De plus, Guingamp a sauvegardé de nombreux édifices de qualité : l’ancien Hôtel Dieu et de nombreuses maisons de la place du Centre où la Ploméc, une fontaine Renaissance fait jouer l’eau en trois vasques.

C’est, sur cette belle place que s’est situé le dimanche 24 la finale du championnat de Bretagne de danses populaires. C’est là aussi que se termine la longue «dérobée» à. figures, conclusions habituelles des Fêtes de la Saint-Loup. Elle ne part plus de Runvarec, mais du château des Salles, la belle et vaste propriété du Marquis de Kerouartz qui accueille, tout un après-midi, aussi bien les danses bretonnes que celles à la mode du jour. Chacun va où il veut dans un coin ou l’autre du parc.

C’est à Guingamp, où il naquit, que le grand compositeur Guy Ropartz entendit ses premières mélodies populaires. Et ce «Dimanche nreton», une suite d’orchestre de 1893 est certainement un écho du mysticisme et de la joie du jour du Seigneur en Trégor.

Dix ans auparavant, en décembre 1882, Loti eut dans ce même Guingamp une aventure sentimentale qu’il relate dans son journal intime. Mais il fallut attendre 1923 pour voir Guingamp prendre quelque place dans un roman. Ce fut l’Envoûté de François Ménez.

«Ils s’accoudèrent; avant de s’éloigner, au parapet qui surplombe la placette aux pavés rouges du Ru-Stang, bordée par les tours d’angle du château de Penthièvre. De là, leur regard dominait entièrement la ville basse. Elle se déroulait avec son dédale ombreux d’escaliers et’ de venelles, de jardins pendants et de murs rapetassés. Des flocons gris de fumée, s’échappant des vieux toits, s’éparpillaient et se fondaient dans l’air calme. Dressant vers le ciel sa flèche et ses tours, la basilique écrasait de sa masse le troupeau serré de ses masures.»

II y ‘a quinze ans, lorsqu’il évoluait surtout dans les milieux scolaires, Edouard Ollivro fit paraître «un Picou, fils de Picou», toute une enfance trégorroise contée avec beaucoup de charme et d’esprit. Ses fonctions de maire et de député l’ont conduit désormais .à des textes d’une réalité plus crissante. Guingamp a dansé dimanche et lundi. Mais la danse n’est-elle pas quelquefois pour oublier le quotidien ?

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