Des noms de rues en Bretagne, pour quoi faire ?

On compte environ 50 000 rues en Bretagne. La plupart de ces rues ont reçu des noms pour les distinguer, mais pas toutes, car il existe encore un grand nombre de petites communes, près de 40 % en Bretagne, où les habitants se connaissent suffisamment pour penser que cela n’est pas indispensable. Tel n’est pas, bien sur, le point de vue de l’administration. La première justification des noms de rues est en effet de pouvoir identifier avec précision la localisation des bâtiments et des personnes dans une cité. Dans les pays où les villes sont immenses, comme aux Etats-Unis, on adopte un autre système d’identification, qui repose entièrement sur des coordonnées numériques ou géographiques (avenues et rues). Ce système ne conviendrait pas à l’esprit français, car il est trop impersonnel et ignore la diversité. Il est aussi difficile à mémoriser et pourrait donc conduire à de fréquentes erreurs.Un nom de rue, c’est d’abord une image : celle d’un quartier, dont il évoque les particularités, mais aussi celle d’une ville, dont il rappelle l’histoire et celle de ses habitants. C’est aussi une partie de la personnalité de chacun d’entre nous. La loi nous fait l’obligation de posséder un domicile, dont l’adresse doit être connue de toutes les administrations avec lesquelles nous sommes en relation : les télécommunications, le plus souvent, mais aussi les finances, la police, la commune et aussi les fournisseurs, l’employeur, l’hôpital… L’adresse personnelle fait partie de notre identité, aussi sûrement que notre date de naissance, ou que le nom de nos parents, qui précisément n’ont pas la même adresse que nous. Peut-on imaginer de vivre facilement dans une rue dont le nom serait déplaisant, ou celui d’un personnage sanguinaire ou immoral, ou même seulement difficile à prononcer ? Cela pourrait amener à vouloir changer de domicile, ou mieux le nom de la rue, comme le montrent de fréquentes pétitions dans ce sens. A l’inverse, on peut tirer une certaine fierté d’habiter dans une rue qui porte un nom prestigieux, comme celui d’un personnage que nous admirons, bien souvent parce qu’il appartient à l’histoire du pays que nous aimons. Le nom d’une rue a ainsi pour chacun d’entre nous une connotation souvent très forte.

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C’est pour cette raison que la loi a confié aux communes le soin de fixer les noms des voies publiques dans les villes, de façon précisément à tenir compte le mieux possible des aspirations de tous les citoyens. Le font-elles toujours ? ceci est une autre question. Il apparaît donc ici une nouvelle justification au choix des noms de rues, sans doute la plus forte au plan politique : donner à une rue, ou à une place publique, le nom d’un personnage est une façon de rendre hommage à cette personne, de lui témoigner la reconnaissance ou l’admiration de ses concitoyens pour l’œuvre qu’il a accomplie. C’est aussi vouloir que ce nom soit connu des générations à venir, en espérant que celles-ci en tireront une certaine fierté, surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant du pays. Cela est naturellement vrai aussi pour tous les noms de lieux ou d’événements qui concernent la région. En un mot, le nom des rues se doit d’être un reflet de l’histoire. C’est bien souvent par ignorance, par facilité, ou parfois pour suivre le goût du jour, que certaines communes vont chercher bien loin des noms historiques qu’elles pourraient trouver tout près de chez elles.

Qu’en est-il donc en Bretagne? Une étude récente a montré que moins de 10% des noms de rues en Bretagne, étaient ceux de personnages ayant joué un rôle reconnu dans l’histoire de la Bretagne. Ce taux peut paraître faible ; il faut le corriger légèrement, en y ajoutant les noms de quelques personnalités locales dont la notoriété n’a pas dépassé la limite de la commune. Le reste est composé d’un certain nombre de noms de personnages français ou étrangers, qui ont souvent peu à voir avec la Bretagne, ainsi que d’une infinité de noms de lieux, de plantes, d’animaux ou de symboles divers, d’une tonalité ou d’une médiocrité parfois affligeante. Bien sûr, il y a des exceptions, lorsqu’il s’agit de noms qui se réfèrent au patrimoine local, mais le bilan final est assez maigre. Ne faut-il pas voir ici la conséquence d’une connaissance insuffisante de l’histoire de Bretagne ?

La section d’Histoire de l’Institut culturel de Bretagne a pensé qu’il était de son devoir de donner à tous ceux qui le souhaitent, et en premier lieu aux maires de toutes les communes de la Bretagne historique, des informations sur les personnages, les événements et quelques noms de lieux qui pourraient leur permettre de corriger cette situation s’ils le désirent. Il va de soi que cette préoccupation peut aussi intéresser de très nombreux autres utilisateurs, notamment des établissements publics, des associations, des ensembles résidentiels, et même de simples particuliers.

À cette fin, un groupe de travail interdisciplinaire s’est réuni pour proposer une liste de 1 000 noms choisis parmi les plus représentatifs de l’histoire de Bretagne. Ces noms, que l’on souhaiterait voir, figurer davantage dans les rues de Bretagne, sont accompagnés d’éléments de classement propres à en faciliter l’utilisation : époques, professions, et origine des personnages… ainsi que de courtes biographies. Il s’agit là d’un travail difficile et certainement imparfait, dans lequel on s’est efforcé d’éviter tout esprit partisan et de n’oublier aucun des domaines importants de l’histoire ou de la culture. Retenir le nom d’un personnage n’implique pas un jugement de valeur, encore moins une approbation de son action dans l’histoire. Ces choix reflètent donc toutes les opinions et chacun reste libre de les apprécier selon sa propre conscience. De même, les omissions qu’il a fallu s’imposer feront sans doute des insatisfaits. A l’inverse, certains noms peuvent peut-être étonner, ou même choquer. Ils ne sont cependant que le reflet d’une histoire riche, diversifiée et souvent passionnée, que nous devons respecter parce qu’elle est véridique : le livre de l’histoire doit rester ouvert.

Mais au delà des noms de rues, ce travail poursuit aussi un autre objectif : celui d’aider au développement d’une connaissance plus populaire de l’histoire de Bretagne. Certes nous ne manquons plus d’excellents manuels ou d’ouvrages spécialisés rédigés par les meilleurs spécialistes. Il manque encore cependant une sorte de synthèse, un condensé d’histoire, plus facile à consulter, que chacun pourrait avoir à portée de la main et qui répondrait à toutes les questions que l’on peut se poser.

Une sorte de Quid ?, en quelque sorte, ou de Qui a fait quoi en Bretagne ? Qui peut dire, par exemple aujourd’hui qui étaient Viridorix, le roi Morvan… ou plus près de nous, Aristide Briand et Jules Simon, quelques Bretons particulièrement célèbres ? Nous ne sommes pas sûrs d’avoir réussi ce pari, mais il fallait le tenter et le mode de présentation que nous avons choisi devrait permettre un début de réponse dans ce domaine. Notre principal but ici a été de donner à tous ceux qui aiment la Bretagne le désir d’en savoir plus et un moyen facile de connaître un peu mieux son histoire.

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