Mona OZOUF

Mona Sohier est née à Plourivo (Pays briochin) en 1931. Elle est la fille de Yann Sohier (Loudéac, 1901 – Plourivo, 1935), très grande figure du mouvement culturel breton. Cet instituteur progressiste originaire de Haute Bretagne avait appris le breton et il fonda en 1933 le bulletin Ar Falz (la faucille) pour défendre et promouvoir la langue bretonne à l’école publique, dans un milieu qui ne lui était a priori guère favorable. Ardent militant de la cause bretonne, son père fut emporté très jeune par une septicémie alors que Mona n’avait elle-même que quatre ans et elle fut élevée en breton par sa mère et sa grand-mère maternelle, originaires du Léon, dans la vénération de ce père qu’elle n’avait guère connue. Elle eut une enfance austère, tiraillée entre le haut idéal breton qui avait été celui de son père et de beaucoup de ses amis, et l’idéologie qui imprégnait l’enseignement public qui fut le cadre de sa jeunesse. Elle a retracé cette période avec une émotion retenue dans son dernier livre : Composition française : retour sur une enfance bretonne. Brillante élève au lycée de Saint-Brieuc, elle fut élève de l’École Normale Supérieure de Sèvres et, comme la grande majorité des jeunes intellectuels au lendemain de la guerre, elle milita naturellement au Parti communiste, avec lequel elle devait prendre plus tard une certaine distance. Après voir obtenu l’agrégation de philosophie, elle commença une carrière d’enseignante, mais s’orienta bien vite vers l’histoire et entra au C.N.R.S. Mona Sohier épousa un autre historien, de trois ans son aîné, Jacques Ozouf, né à Alençon en 1928. Jacques et Mona partageaient une commune passion pour l’histoire de l’éducation en France et ils écrivirent ainsi ensemble La République des instituteurs, livre publié en 1992. Une terrible épreuve frappa leur couple : Jacques Ozouf qui était directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, fut victime d’un accident cérébral qui le priva de la parole. Dans un livre d’entretiens avec Philippe Van Eeckhout, Le langage blessé : Reparler après un accident cérébral (Albin Michel, 2001), Mona Ozouf a évoqué ce drame avec beaucoup de lucidité et de délicatesse. Elle devait s’occuper de son époux avec un dévouement admirable jusqu’à sa mort en 2006. Jacques et Mona Ozouf étaient très liés avec un très grand intellectuel français : François Furet (1927-1997), dont ils partagèrent largemment l’itinéraire. Mona, directrice de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), travailla étroitement avec lui durant des années, principalement sur l’histoire de la Révolution française. Cette période est une des grandes spécialités de Mona Ozouf, également connue pour ses travaux sur l’éducation et particulièrement sur l’école républicaine, ainsi que sur l’histoire des femmes.

Depuis quelques années, la production de Mona Ozouf, devenue membre éminent du jury du prix Fémina, a pris des orientations plus délibérément littéraires, avec Les mots des femmes, un essai sur la singularité de la place des femmes dans la tradition française, un essai sur Henry James et les pouvoirs du roman, La muse démocratique et encore un essai sur la littérature du XIXème siècle entre Ancien Régime et Révolution, Les Aveux du roman. Elle s’est intéressée dans ces livres au statut du roman de l’univers démocratique en analysant comment était posée à travers cette forme littéraire la question de la place de la singularité et du principe de distinction dans le monde de l’égalité des conditions. Avec Varennes, la mort de la royauté, paru en 2005, Mona Ozouf a confirmé à la fois sa maîtrise de l’histoire de la Révolution et son exceptionnel bonheur d’écriture. Membre du Centre de recherches politiques Raymond Aron, Mona Ozouf signe aussi régulièrement des articles dans le Nouvel Observateur.

Restée attachée à la Bretagne, Mona Ozouf a écrit plusieurs fois des textes de grande qualité à propos de la langue et de la culture bretonnes dans divers journaux et revues. Elle a aussi préfacé en 2001 le livre Les Aventures extraordinaire du citoyen Conan, traduit du breton par Poalig Combot et publié par Skol Vreizh. Elle a également préfacé le livre courageux de Jean-Jacques Monnier : Résistance et conscience bretonne 1940-1945, publié en 2007 par Yoran Embanner.

Elle a reçu le Collier de l’Hermine en 2009 à Guérande.

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